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Hausse du coût de l’électricité : un frein pour le télétravail ?

Paulina Jonquères d’Oriola
3 min2023-02-02

Si le télétravail s’est bel et bien ancré dans le quotidien des salariés, la flambée des prix de l’électricité inquiète un certain nombre de travailleurs, voire engendre un phénomène de retour au bureau. Car qui absorbe réellement les coûts du télétravail ? Et que sait-on des économies d’énergie réalisées à l’échelle globale ? Décryptage.

Depuis quelques mois, j’observe un phénomène nouveau chez mes employés, notamment les plus jeunes : environ un quart des effectifs au total, soit ceux qui n’étaient pas encore revenus au bureau, en ont éprouvé le besoin. J’observe notamment ce phénomène depuis que nous avons emménagé dans des locaux confortables, sûrement plus agréables que chez eux”, témoigne Paul, Associé au sein d’un fond d’investissement. Un témoignage qui corrobore celui de Mélissa, 35 ans, commerciale dans une startup parisienne. La jeune femme travaille depuis son logement à Lille, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle appréhende sa facture d’électricité. Et pour cause, d’après Julien Tchernia, PDG et fondateur du fournisseur d’énergies renouvelables ekWateur, une journée de télétravail par semaine engendrerait 5 à 7 % d’augmentation de la consommation d’électricité et de gaz par an, explique-t-il. Pour une journée de télétravail par semaine, cela reviendrait à une hausse de 100€ par an.

Mais sur ce point, les télétravailleurs ne sont pas égaux, car l’électricité peut être comprise dans les charges générales de l’immeuble ou remonter dans la facture individuelle, ce qui est le cas de Mélissa. “Je vis dans une véritable passoire thermique car mon appartement est mal isolé. Je fais tout pour limiter ma consommation (je travaille avec un gros pull et un plaid), mon logement est à 17 degrés la journée, et malgré ça, je paie 250 euros de facture par mois pour mon appartement familial. J’appréhende beaucoup la hausse du coût de l’énergie”, raconte-t-elle. Son entreprise étant basée à Paris, la jeune femme ne peut pas se rendre au bureau. Pour pallier cette difficulté, elle expérimente avec son employeur la mise en place d’un forfait mensuel de coworking avec les autres salariés remote basés à Lille.

Forfait télétravail : que dit la réglementation ?

Dans d’autres entreprises, des forfaits télétravail ont été négociés avec les salariés pour compenser les frais engendrés par le travailleur, qu’il s’agisse du coût de l’électricité, des frais d’imprimante, d’équipement, voire la participation à la taxe foncière ou d’habitation. Un forfait mis en place par l’entreprise Edusign, spécialiste des feuilles de présence dématérialisées. “Nous proposons une prime télétravail de 50 euros par mois pour tous les salariés, qu’ils soient ou non en remote. Cette prime a été déployée plus rapidement que prévu face aux différentes hausses du coût de la vie”, témoigne Elliot Boucher, cofondateur. Il constate que le contexte d’inflation a par ailleurs mené à des demandes d’augmentation plus conséquentes que prévu. Il nous explique aussi que l’entreprise a accompagné ses télétravailleurs en les formant aux éco-gestes pouvant être réalisés à leur domicile.

Point important : il faut savoir que cette jeune société d’une vingtaine d’employés, dont les locaux sont pour le moment basés à Station F, est “remote first”. C'est-à-dire que la majorité de ses employés ne vivent pas sur Paris, et télétravaillent. En outre, les locaux de l’entreprise ne sont pas suffisamment grands pour accueillir toute l’équipe en même temps. Elle s’inscrit donc dans le cadre réglementaire où les salariés sont en droit de demander une indemnité forfaitaire si leur entreprise ne peut pas les accueillir tous les jours. Dans le cas inverse, les négociations se mènent au sein de la société mais l’employeur n’est pas tenu légalement de mettre en place ce forfait puisque le télétravail est un choix du salarié. D’où le mouvement de retour au bureau.

“Ne pas reporter les coûts généraux sur les salariés”

D’après une étude menée en avril dernier par Critix France, fournisseur américain de solutions de télétravail, “84% des salariés français aimeraient que leur entreprise les dédommage pour les frais de carburant et/ou d’énergie lorsqu’ils télétravaillent, sous forme d’une augmentation de salaire ou d’une indemnité”, explique Sophie Troistorff, Directrice Générale, dans une interview accordée à Capital. Bref, vaste débat dont nous ne sommes qu’aux balbutiements, surtout pour les salariés pris en sandwich entre la hausse du coût de l’essence et de l’électricité.

Quid des effets de rebond induits par le télétravail ?

Il est vrai que de plus en plus d’entreprises sous-dimensionnent leurs bureaux, certes pour répondre à la demande de télétravail de leurs employés, mais aussi car cela représente des gains considérables en termes immobiliers et énergétiques puisque les factures des entreprises vont être multipliées par trois ou quatre cet hiver. Un véritable point de vigilance selon Raphaelle Bertholon, Secrétaire Nationale CFE-CGC à l'Économie, Industrie, Numérique et Logement, qui rappelle que les salariés peuvent sur justificatifs se faire rembourser les frais liés au télétravail (si l’employeur oblige le télétravail ou ne fournit pas de bureau) et que les particuliers bénéficient pour l’heure du bouclier tarifaire mis en place par l’Etat. Mais sera-t-il toujours en place l’année prochaine, d’autant que la situation ne va pas s’améliorer… Voilà déjà plusieurs années que les instituts spécialisés à l’image de France Stratégie alertent le Gouvernement de la tension sur le marché de l’électricité pour cause de production nationale insuffisante.

Raphaelle Bertholon nous invite donc à prendre de la hauteur sur le sujet et à mener une réflexion globale sur la sobriété énergétique. “Entre chauffer un espace au bureau qui fait l’équivalent de 15m2 (et encore, je suis généreuse), et un logement de 90m2 (la moyenne en France selon l’INSEE), on est en droit de s’interroger sur la pertinence de la chose. Bien sûr, les cas diffèrent selon que l’on se déplace en métro ou en voiture, mais il faut bien penser que les transports en commun ne vont pas s’arrêter parce que certains salariés sont en télétravail. D’autant que c’est le contribuable qui finance indirectement ces coûts au niveau des collectivités”, analyse-t-elle.

Dans un rapport sur les effets de rebond induits par le télétravail, l’ADEME esquisse un premier bilan de la diminution réelle de l’empreinte carbone grâce au télétravail. En moyenne, les effets de rebond réduisent de 31 % les bénéfices environnementaux du télétravail. Ils sont liés aux déplacements personnels supplémentaires qui n’étaient pas possibles auparavant, à la consommation du logement, la pollution numérique à cause des outils de travail à distance,  ou encore aux déchets liés à l’achat d’équipements électroniques. Au final, l’Ademe conclut que les bénéfices environnementaux sont "significatifs et justifient l'encouragement du développement du télétravail". Néanmoins, l'agence prévoit de poursuivre son évaluation des effets rebond à plus long terme. 

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