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bail 3-6-9

Le bail 3-6-9 va-t-il disparaître ?

Paul Pouhin
Paul Pouhin
9 min2019-12-16

À l'occasion du SIMI, Deskeo organisait le 11 décembre dernier une conférence sur une thématique qui concerne tous les acteurs du marché immobilier de bureaux : l'avenir du bail commercial dit « 3-6-9 ». En effet, l'immobilier de bureaux est face à un paradoxe. D'un côté, les propriétaires cherchent à rentabiliser leurs actifs à long terme. De l'autre, les entreprises ont besoin d'espaces de travail adaptés à leurs besoins à court terme.

Comment rapprocher les intérêts de ces deux acteurs ? Quelles alternatives au bail 3-6-9 peuvent permettre de fluidifier le marché ? Autant de questions auxquelles ont tenté de répondre les trois intervenants de cette conférence : Benjamin Teboul, co-fondateur de Deskeo, Paul Sanouillet, Directeur flex office chez JLL, et Bertrand Justamente, Directeur immobilier de EY (Ernst and Young). Plus de 250 personnes ont participé à cet échange animé par Guillaume Sommerer, rédacteur en chef adjoint à BFM Business et présentateur de l’émission Intégrale Placements. Morceaux choisis.

Guillaume Sommerer : Quand la pierre bouge, c’est souvent qu’il y a un tremblement de terre pas très loin. Aujourd’hui l’immobilier de bureaux est en plein bouleversement avec des taux de vacances à des bas historiques sur le marché parisien et une forte tension entre les bailleurs et locataires. Le monde économique s’accélère et l’horizon temps dans les business model est en train de se raccourcir. Qu’est ce que cela veut dire pour les baux 3-6-9 ?

Paul Sanouilllet : Il y a toujours une demande dynamique pour le 3-6-9 mais il existe parallèlement une nouvelle demande, là où ce bail traditionnel n’est plus adapté. Il y a donc une demande de flexibilité qui touche plusieurs utilisateurs :

  • Les entreprises récentes qui arrivent sur le marché, ou sont en fortes croissance
  • Mais également des entreprises plus installées qui peuvent avoir des filiales en groupe de projet.

C‘est un enjeu croissant et c’est pourquoi nous avons créé un département spécialisée dans ce sujet.

G.S. : Bertrand, en tant qu’utilisateur. Il y a un rapport de force aujourd’hui, entre bailleurs et locataires. Qui est gagnant ?

Bertrand Justamente : Aujourd’hui, dans les grandes villes, à Paris surtout et à Lyon également, les bailleurs sont en position de force et peuvent imposer des baux longs. On est sur du 9 ans, voire même 12 ans ! Dans les autres régions, le marché est plus fluide, et le locataire peut donc avoir droit à des franchises et des termes plus favorables.

Nous, chez EY, on va utiliser les deux possibilités. La majorité de nos bureaux sont en bail 3-6-9. On est 260.000 dans le monde, donc on sait qu’on a un minimum de mètres carrés dans lesquels on va évoluer. Pour cela, nous allons utiliser des capteurs et récolter de la data afin de bien mesurer nos besoins en immobilier. Pour autant, on va également utiliser les espaces flexibles pour des projets à moyen terme, comme les JO 2024 ou des groupes projets de quelques mois.

G.S. : Qu’en est-il de la question financière ?

B.J. : L’immobilier est notre 3ème coût, juste après la masse salariale et l’IT. C’est une énorme question. En termes de trésorerie, dépenser des millions en aménagement ce n’est pas quelque chose que les entreprises sont prêtes à faire. De ce fait, les espaces flexibles permettent de ne pas avoir à dépenser en Capex directement et investir ailleurs, dans ses salariés ou sa technologie.

G.S. : Benjamin, vous me disiez que le plus gros bailleur à Paris détenait à peine 1% du marché ?

Benjamin Teboul : Paris et la première couronne représentent 50 millions de mètres carrés de bureaux. En termes de capital nécessaire pour générer des acquisitions immobilières, ce sont des sommes considérables et en termes de process ce sont des cycles très longs. Et en effet, aujourd’hui, le plus gros bailleur parisien détient environ 1% du marché. Cependant, sur un marché très tendu, les bailleurs sont en position de force. Il y a très peu de vacance, les candidats sont nombreux, les propriétaires ont donc tendance à exiger des engagements plus longs.

G.S. : On peut donc imaginer que les entreprises vont tenter d’échapper à ce bail 3-6-9 ?

B.T. : Oui, si la pédagogie est faite. Aujourd’hui, la flexibilité et les services tendent à se démocratiser. Si les conseils immobiliers peuvent proposer plusieurs options, les entreprises ont le choix selon leurs besoins. C’est le cas de EY par exemple. Nous n’avons pas vocation à remplacer dans l’entièreté le bail 3-6-9 dans leur cas, mais à être une solution complémentaire pour une partie de leurs effectifs.

G.S. : Quid des bailleurs Paul ? Comment réagissent ils à cette nouvelle demande ?

P.S. : Le marché évolue vite donc cela oblige tout le monde à revoir son business model, à se challenger. Afin de se rapprocher de leurs utilisateurs, certains ont lancé des initiatives plus flexibles. Cependant, ces offres concernent leur propre patrimoine et leur échelle de déploiement est donc forcément plus petite que celle Deskeo qui peut prendre à bail relativement rapidement des milliers de mètres carrés, dans des secteurs variés.

G.S. : Aujourd’hui, un mot revient souvent quand on parle de flexibilité, il s’agit du mot coworking. Benjamin, le coworking peut-il répondre à lui seul à cette demande ?

B.T. : Le coworking est un mot entré dans les moeurs mais il ne faut pas faire d’amalgame. Pour refaire l’historique rapidement, dans les années 80 le Groupe IWG a créé des centres d’affaires, puis à la fin des années 2000, on a vu apparaître le co-working avec le phénomène Wework, puis aujourd’hui des opérateurs de flexibilité comme Knotel et Deskeo.

Nous apportons tous de la flexibilité mais nous nous adressons à des clients très différents. Le coworking va davantage s’adresser à des entreprise de 1 à 10 employés, avec des besoins de collaboration, de networking… En revanche, à partir de 15-20 salariés, une fois que les entreprises sont plus installées, avec des départements différents et des besoins spécifiques en termes d’aménagement, de conception, c’est là que nous intervenons.

G.S. : Comment cela se passe concrètement ? Vous achetez des surfaces ?

B.T. : Non, nous allons prendre à bail des surfaces, ce qui nous permet donc de couvrir une très grande partie du marché. Les foncières achètent et valorisent les biens immobiliers, c’est leur vocation. Les brokers diffusent ces surfaces en conseillant leurs clients. De notre côté, nous prenons à bail ces surfaces pour les exploiter. Notre valeur ajoutée réside dans les services et la flexibilité.

Nous nous chargeons de trouver la surface adéquate pour un entreprise, puis de l’aménager sur-mesure en concevant l’espace avec notre équipe interne d’architectes spécialisés en workplace strategy. Nous gérons les chantiers et livrons l’espace clé en main et créé spécifiquement pour le client, avec une durée d’engagement flexible. Par la suite, nous nous occupons de la gestion quotidienne des bureaux avec notre équipe de space operations managers dédiée.

G.S. : Mais quelle est la différence entre un opérateur de co-working et un Deskeo ?

B.J. : La grande différence pour nous c’est que souvent, nous faisons appel à des espaces de flexibilité mais nous voulons que les clients soient chez nous. Hors dans la plupart des espaces de coworking, il y a une image de marque de l’opérateur mise en avant.

B.T. : Pour utiliser un terme issu de l’industrie de la technologie, aujourd’hui nous sommes une marketplace. Nous agrégeons les surfaces des différentes foncières partenaires, cela nous permet d’avoir une offre variée en termes de taille et de localisation à proposer à nos clients.

P.S : Notre rôle est de conseiller au mieux les clients; aujourd’hui, Deskeo nous permet de proposer des choses différentes. On peut créer un produit qui n’existe pas ensemble ou faire une partie en bail traditionnel et une partie en flexibilité. On ne reviendra pas en arrière, il y a une nouvelle manière de consommer du mètres carrés.

G.S. : Alors le bail 3-6-9 est il voué à disparaître ?

B.J. : Non, absolument pas. Des acteurs comme Deskeo vont d’ailleurs s’engager sur des baux 3-6-9. La seule différence, c’est que pour les utilisateurs, le bail 3-6-9 ne représentera plus 100% du marché mais cohabitera avec des offres de flexibilité.

Question du public : La flexibilité, c’est bien mais est-ce que ça ne coûte pas plus cher ?

B.T. : Entre la valeur locative proposée à un utilisateur dans un bail 3-6-9 et la valeur locative qui est réellement payée, il y a un coefficient de 2. Ce qu’il ne faut pas omettre c’est :

  • La partie charges et fiscalité
  • L’amortissement des aménagements
  • La partie OPEX (gestion, maintenance, ménage, internet, les coûts de personnel pour faire fonctionner les bureaux)
  • La clause de restitution où vous allez devoir remettre en état les bureaux et donc faire face aux coûts des travaux et à un double loyer pour installer votre équipe ailleurs le temps nécessaire.

Dans les faits, l’entreprise paye donc le double de son loyer. Chez Deskeo, nous avons un coefficient de 1,8 à 1,9. On est donc 15% moins cher qu’un bail traditionnel.

Je ne parle même pas du cas d’une entreprise qui a signé un 6 ans et se retrouve à devoir déménager au bout de 4 ans. Et je ne valorise pas l’économie en CAPEX que Deskeo représente et qui vous permet d’investir votre argent dans votre développement plutôt que de l’immobiliser. Économiquement c’est donc plus rentable et surtout, de manière pratique, c’est beaucoup plus agréable que de tout devoir gérer seul quand on n’est pas expert.

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